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#1 : Toujours debout aprÚs deux attaques cérébrales
CâĂ©tait mardi 19 avril 2016 quand jâai frĂŽlĂ© la catastrophe. AprĂšs avoir bĂąillĂ© un moment, un frisson et une chaleur mâont envahi jusquâĂ la tĂȘte suivis dâun vertige. Dâun seul coup, je ne pouvais plus parler. Les lĂšvres Ă©taient dĂ©formĂ©es et la salive coulait sans que je puisse la retenir. A plusieurs reprises, par manipulation, jâai tentĂ© de remettre ma bouche dĂ©formĂ©e Ă sa position initiale. Mais câĂ©tait impossible. Surpris par la dĂ©formation de mon visage, ma petite fille a commencĂ© Ă pleurer. Pour la rassurer, je lui ai fait un sourire. Plus je lui offrais ce semblant de sourire, plus elle pleurait : mon nouveau visage lâeffrayait.
Jâai pensĂ© tout de suite Ă mon cardiologue car il me suivait pour hypertension artĂ©rielle, mais toute ma pensĂ©e et tout ce que je faisais Ă©taient superficiels et je nâĂ©tais pas sĂ»r de mes actions, de mes mouvements. Des fois jâavais un petit sens de discernement, des fois juste un Ă©cran noir devant moi. Câest ainsi que jâai profitĂ© de ces petits moments de discernement pour avancer, prendre le bus pour aller voir mon cardiologue. Malheureusement, jâai passĂ© plus dâune heure devant lâimmeuble de mon cardiologue sans parvenir Ă y entrer : je ne savais plus oĂč jâĂ©tais. JâĂ©tais littĂ©ralement dĂ©sorientĂ©. Je ne sais comment mais jâai repris le bus, ensuite le mĂ©tro pour me rendre en urgence Ă lâhĂŽpital. Quand je suis arrivĂ© Ă la rĂ©ception, la dame croyait que jâĂ©tais sourd muet. Elle a tĂ©lĂ©phonĂ© Ă un interprĂšte et mâa donnĂ© un papier et un stylo pour que je puisse Ă©crire ce qui mâĂ©tait arrivĂ©. Je ne pouvais mĂȘme pas Ă©crire la lettre « a ». Jâai sorti mon tĂ©lĂ©phone, et jâai mis plus dâune heure pour Ă©crire la phrase suivante : ce matin je parlais, dâun seul coup, je ne peux plus parler. CâĂ©tait la phrase magique. Tout de suite jâai Ă©tĂ© pris en charge. Mais la nuit suivante, jâai Ă©tĂ© foudroyĂ© encore par un AVC Ă lâhĂŽpital aux soins intensifs.
Si jâarrive aujourdâhui Ă rĂ©cupĂ©rer presque tout en moins dâun an, câest grĂące Ă une prise en charge efficace du CHUV. A cela, sâajoute ma volontĂ©.
MĂȘme les week-ends, je mâenfermais dans la salle de gymnastique pour travailler. Quand les logopĂ©distes me donnaient des exercices, je demandais toujours un ou deux de plus. Quand je devais faire des exercices sur lâordinateur, je faisais toujours presque une heure de plus sans que les mĂ©decins le sachent. A la sortie de la sĂ©ance, je marchais sur la pointe des pieds pour ne pas ĂȘtre vu par les mĂ©decins. Mais plusieurs fois, les mĂ©decins trĂšs vigilants, mâont eu en disant : « Monsieur vous ĂȘtes toujours lĂ ? ». Je rĂ©pondais mais je disparaissais aussitĂŽt dans lâun des ascenseurs. Ma volontĂ© de rĂ©cupĂ©rer le maximum Ă©tait ferme. Jâavais aussi Ă lâhĂŽpital, un ami sincĂšre qui Ă©tait sourd. Pour quâil comprenne ce que je lui disais, je devais bien parler car il suivait les mouvements de mes lĂšvres, ce qui mâa beaucoup aidĂ© Ă mieux parler. Nous avons beaucoup coopĂ©rĂ©. Enfin, je chante beaucoup et si aujourdâhui je suis prĂȘt Ă travailler Ă 100%, câest grĂące Ă une prise en charge efficace du CHUV et Ă cela, vient sâajouter ma volontĂ© inĂ©puisable dâaller vers lâavant.
# 2 : Quelques Ă©pisodes de ma vie depuis lâAVC et lâaphasie
Note : mon mari et mes filles mâont expliquĂ© ce qu’il sâest passĂ© durant cet Ă©pisode de ma vie, et quand ils ont relu cet Ă©crit, ils ont versĂ© une petite larme.
Le 11 juillet 2007, Ă 05 heures 30 mon rĂ©veil sonne. Câest lâheure de me lever pour me rendre au travail. Je suis infirmiĂšre dans un EMS Ă Bulle. Jâai 54 ans. Avec mon Ă©poux, nous habitons, Ă ce moment-lĂ , dans la ferme de notre fille au Mont-de-Corsier. Je me sens engourdie, jâai de la peine Ă me mobiliser. Jâessaie de me mettre debout, mais je nây arrive pas et je me couche par terre. AprĂšs un moment, je retrouve des forces, je vais Ă la salle de bain, je coule un bain, jâenlĂšve ma chemise de nuit et aprĂšs avoir Ă©tĂ© au wc, jâentre dans la baignoire, puis je mâĂ©vanouis. Par chance, mon Ă©poux se lĂšve un peu plus tĂŽt que dâhabitude, car il doit se rendre Ă lâinspection de la voiture Ă Aigle et accompagner notre fille cadette Ă la gare. Ils mâappellent pour que je me dĂ©pĂȘche de sortir de la baignoire, puis une deuxiĂšme fois, puis sâĂ©nervent un peu parce que je ne leur rĂ©ponds pas, Ă part quelques bruitages. Christel, qui a suivi un cours de samaritain avec moi la semaine prĂ©cĂ©dente, croit Ă une mauvaise blague et ouvre le rideau de douche. Elle constate, avec mon mari que ma bouche est de travers et que je nâĂ©mets que des bruits. Ils reconnaissent Ă mon visage que je subis un AVC. Mon mari appelle ma fille aĂźnĂ©e. Elle vide la baignoire et me couvre d’un linge de bain. Ensuite, elle tĂ©lĂ©phone Ă mon fils, mais il nâentend pas tout de suite son portable. Tandis que ma fille aĂźnĂ©e appelle l’ambulance, mon mari conduit nos deux chiennes au salon. Il tĂ©lĂ©phone Ă mon travail pour les informer de mon hospitalisation. Lâambulance arrive rapidement. AprĂšs plusieurs manĆuvres, les ambulanciers me sortent de la baignoire. Jâai tout de mĂȘme 30 kilos de moins quâaujourdâhui. AprĂšs une brĂšve discussion pour savoir sâils doivent aller au Samaritain, ils me conduisent au CHUV, avec ma fille cadette. Durant le trajet, encore 2 AVC surviennent. Mon Ă©poux et ma fille aĂźnĂ©e suivent en voiture.
A lâhĂŽpital, aprĂšs avoir entendu les ambulanciers, plusieurs mĂ©decins et infirmiĂšres mâexaminent et mâenvoient subir une IRM qui dĂ©termine un AVC sylvien et insulaire Ă gauche du cerveau. Pendant ce temps, des mĂ©decins questionnent dâabord ma fille cadette, puis mon mari et mon autre fille pour savoir depuis quand ils ont constatĂ© le dĂ©but de mes symptĂŽmes. AprĂšs une hĂ©sitation, ils ont rĂ©pondu que cela avait dĂ©butĂ© vers 6 heures du matin. GrĂące Ă la rapiditĂ© d’intervention des secours, j’ai eu la chance d’ĂȘtre juste dans les dĂ©lais pour bĂ©nĂ©ficier de la thrombolyse, une injection faite pour diluer les caillots et qui permet de mieux absorber le mĂ©dicament dans le sang, pour diminuer les symptĂŽmes. Le 12 juillet, je me suis rĂ©veillĂ©e, et malgrĂ© que les mots me paraissent cohĂ©rents, je ne rĂ©ponds que par « VOILA » et jâai de la peine Ă bouger mon cĂŽtĂ© droit. Me voilĂ aphasique.
Jâai Ă©tĂ© trĂšs entourĂ©e par toute ma famille, mes parents, mon frĂšre, mes sĆurs et mes amies. Mon fils est venu trĂšs souvent me trouver.
Je suis restĂ©e une semaine au CHUV, ensuite, je suis allĂ©e durant 1 mois Ă la clinique Valmont, Ă Glion oĂč la logopĂ©die, la physiothĂ©rapie, et dâautres thĂ©rapies mâont Ă©tĂ© enseignĂ©es. Jâen garde un trĂšs bon souvenir. LĂ , je me promĂšne en claudiquant, dans la forĂȘt avec des visites qui mâentourent gĂ©nĂ©reusement. Mes parents ont Ă©tĂ© mortifiĂ© Ă la nouvelle de mon AVC. Ils viennent me trouver assez souvent, mâencouragent Ă progresser et dĂźnent avec moi. Je les en remercie, parce que mon pĂšre, Ă 80 ans, faisait un effort pour conduire de Granges (Veveyse) Ă Glion.
Ensuite, je rentre Ă la maison. Sur le chemin du retour, avec mon mari, nous passons au port de la Tour-de-Peilz, oĂč nous avons un voilier, en reconnaissance du magnifique paysage que nous avons souvent cĂŽtoyĂ©. Jâassure, mais avec plus de temps, le mĂ©nage et la cuisine. Jâai suivi la logopĂ©die durant 2 ans. Jâai rĂ©appris Ă mâexprimer et Ă©crire correctement ainsi que calculer. A lâergothĂ©rapie, je me suis initiĂ©e Ă exĂ©cuter de la cĂ©ramique et Ă scier, poncer et peindre des animaux pour les coller sur des bahuts que je construis pour mes petits-enfants. LâAI mâa obligĂ© Ă me rendre durant 4 mois Ă lâAFIRO Ă Renens, pour Ă©valuer mes capacitĂ©s de travail et, durant 3 mois Ă lâEMS oĂč je travaillais auparavant. Cela a Ă©tĂ© difficile physiquement. Lors de lâĂ©valuation de lâAFIRO, heureusement que mon mari mâa accompagnĂ©e pour leur expliquer que je ne pouvais plus assurer un travail. Je lâai trĂšs bien acceptĂ© car vaquer Ă la maison me remplissait mes journĂ©es, en plus des rendez-vous chez les mĂ©decins, la logopĂ©die et lâergothĂ©rapie.
AprĂšs un an de logopĂ©die, oĂč jâai rĂ©ussi les tests de conduite, jâai reconduit pendant 2 ans, mais un jour, aprĂšs avoir Ă©pouvantablement appuyĂ© sur la pĂ©dale pour reculer la voiture, jâai gravi la terrasse devant la maison et ma voiture est allĂ©e au cimetiĂšre des engins. Depuis, jâutilise les transports publics et mon mari mâaccompagne en voiture, entre autre pour les commissions et pour la sortie de Grange-Neuve en dessus de Baulmes avec trois autres personnes aphasiques. Vu que je touchais les prestations de lâAI, lâAVS de mon Ă©poux a Ă©tĂ© diminuĂ©e de frs 600.- par mois, et ensuite Ă 64 ans, ma prestation de 2Ăšme pilier aussi de frs 600.- mensuel. Vive la gĂ©nĂ©rositĂ© des prestations !
Sur le conseil de ma logopĂ©diste, je chante Ă la chorale des aphasiques Ă Lausanne et je suis la prĂ©sidente de lâassociation vaudoise des aphasiques, lâAVA.
Jâassume et je discours, lors de nos dĂźners, 4 fois par an, dâune rĂ©capitulation de ce qui sâest passĂ© durant lâannĂ©e. A part cela, avec une Ă©quipe de 15 personnes aphasiques, certains avec leurs conjoints ou des veufs et veuves nous allons manger 2 fois par mois, au restaurant du Tournesol, dans lâEMS de Bois-Gentil Ă Lausanne. LâaprĂšs-midi, certains jouent aux cartes, dâautres Ă divers jeux et parfois un loto est organisĂ©. Jâai 4 petits-enfants nĂ©s entre 2008 et 2015. Deux dâentre eux viennent manger et dormir 3 fois par semaine Ă la maison et je les accompagne Ă leur Ă©cole, Ă 10 minutes Ă pieds. Les trois autres viennent assez souvent nous rendre visite Ă lâappartement, ou nous allons chez eux, et les enfants jouent ensemble. Câest un plaisir de les voir Ă©voluer. Je vais trouver mes parents tous les 15 jours. Câest une rĂ©jouissance de me promener, soit seule, ou en famille avec mes petits-enfants, mĂȘme si les kilos en trop me pĂšsent. En gĂ©nĂ©ral, Ă©tant fatiguĂ©e, Ă 20 heures je me couche, je regarde la tĂ©lĂ©vision et je mâendors vers 23 heures.
A 50 ans, quatre ans avant mon propre AVC, j’avais suivi lâĂ©cole dâinfirmiĂšre, et travaillĂ© avec enthousiasme et passion, avec des patients ayant subi un AVC. Jâai suivi plusieurs cours sur la rĂ©silience, sur des sujets proches de lâacceptation des maladies. Je pense que c’est une des raisons pour laquelle j’ai bien acceptĂ© les consĂ©quences de lâAVC, surtout lâaphasie. Jâen avertis les personnes lorsque les mots me manquent. Cela me paraĂźt trĂšs important, cela Ă©vite que les gens mâattribuent de lâinconscience.